il s’est ouvert pour moi cet automne une grande histoire. Fabuleuse aventure qui me vrille à perdre haleine, me passionne, me bouleverse, m’accapare, toute à la découverte d’un monde maintes fois traversé, rendu méconnaissable par tant de flamboyance.
Le début fut un peu gauche, malaisé. Agacée, je me perdais dans les digressions fatigantes d’un esprit fulgurant. Tant d’intelligence me révoltait presque, m’emportait comme un torrent de cristal, un peu froid. M’intimidait, surtout, me faisant sentir l’insondable profondeur de mon inculture. C’est un peu de mauvaise grâce que j’allais aux rendez-vous. Je ne restais jamais très longtemps.
Attirée irrésistiblement par la verve inouïe, par cette énergie folle, cette vigueur, j’ai tout de même insisté, mis peu à peu mon orgueil en veilleuse, jusqu’à rentrer dans le vif.
Coup de grisou.
Dans ce tourbillon assourdissant d’émotions et de couleurs, de choses inconnues, à la limite souvent de ma compréhension, où chaque ligne de l’histoire est un chef-d’œuvre, une magie douce, j’éprouve un presque malaise. Cette aventure me prend sans mon consentement, m’oblige à tout arrêter, à me couper du monde, pour ouvrir la porte secrète sur la lumière de cet univers flamboyant. Comme si chaque goutte de l’espace devenait un merveilleux prisme, à travers lequel on voit, sent et vibre avec une acuité impossible. Parfois j’hésite à l’ouvrir, craignant sourdement le flot de merveilleuse émotion, ne m’en sentant pas digne, sachant n’être pas d’un monde semblable. Emportée, dépassée. Quelque chose en moi se déchire, et s’écoule de cette blessure une vibration si douce que j’en pleurerais. Bouleversement de rencontrer un être qui semble avoir tout vécu, tout ressenti si fort qu’il ne restera plus rien après.
Je voudrais étirer le temps, tout apprendre par cœur, tout faire mien et encore lire entre les lignes. Mais la fugace extase d’être traversée par la fièvre de cette langue est insaisissable.
Alors je m’élance, à cette histoire je me donne et m’adonne, qu’importe ce qu’il adviendra, dans quelle misère et dans quel manque, dans quel abandon je me trouverai quand se tournera la dernière page.
Quand je refermerai Ada ou l’ardeur de Vladimir Nabokov.