florence hennequin

ici et maintenant


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Comme un livre,

  il s’est ouvert pour moi cet automne une grande histoire. Fabuleuse aventure qui me vrille à perdre haleine, me passionne, me bouleverse, m’accapare, toute à la découverte d’un monde maintes fois traversé, rendu méconnaissable par tant de flamboyance. 

Le début fut un peu gauche, malaisé. Agacée, je me perdais dans les digressions fatigantes d’un esprit fulgurant. Tant d’intelligence me révoltait presque, m’emportait comme un torrent de cristal, un peu froid. M’intimidait, surtout, me faisant sentir l’insondable profondeur de mon inculture. C’est un peu de mauvaise grâce que j’allais aux rendez-vous. Je ne restais jamais très longtemps. 

Attirée irrésistiblement par la verve inouïe, par cette énergie folle, cette vigueur, j’ai tout de même insisté, mis peu à peu mon orgueil en veilleuse, jusqu’à rentrer dans le vif. 

Coup de grisou. 

Dans ce tourbillon assourdissant d’émotions et de couleurs, de choses inconnues, à la limite souvent de ma compréhension, où chaque ligne de l’histoire est un chef-d’œuvre, une magie douce, j’éprouve un presque malaise. Cette aventure me prend sans mon consentement, m’oblige à tout arrêter, à me couper du monde, pour ouvrir la porte secrète sur la lumière de cet univers flamboyant. Comme si chaque goutte de l’espace devenait un merveilleux prisme, à travers lequel on voit, sent et vibre avec une acuité impossible. Parfois j’hésite à l’ouvrir, craignant sourdement le flot de merveilleuse émotion, ne m’en sentant pas digne, sachant n’être pas d’un monde semblable. Emportée, dépassée. Quelque chose en moi se déchire, et s’écoule de cette blessure une vibration si douce que j’en pleurerais. Bouleversement de rencontrer un être qui semble avoir tout vécu, tout ressenti si fort qu’il ne restera plus rien après. 

Je voudrais étirer le temps, tout apprendre par cœur, tout faire mien et encore lire entre les lignes. Mais la fugace extase d’être traversée par la fièvre de cette langue est insaisissable. 

Alors je m’élance, à cette histoire je me donne et m’adonne, qu’importe ce qu’il adviendra, dans quelle misère et dans quel manque, dans quel abandon je me trouverai quand se tournera la dernière page. 

Quand je refermerai Ada ou l’ardeur de Vladimir Nabokov. 


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À quoi sert la culture ?

À se sentir meilleurs, reliés, plus heureux.
Car investir dans la beauté, des choses immatérielles et donc éternelles, emplir son cœur de joie, se sentir plus léger, oublier un instant nos soucis : quoi de plus précieux que ces moments dont le souvenir nous illumine, ces sensations inscrites qui ne disparaîtront qu’avec nous ?
Emplissons notre âme plutôt que la mémoire de nos téléphones, éminemment étriquée et subtilisable. Voir ainsi tant de personnes ne plus regarder avec leurs yeux, avec leur cœur, mais à travers un ridicule timbre poste, pensant que c’est là « une façon de capturer un peu de bonheur » m’attriste au plus au point.
Je tiens cette phrase de mon voisin de rangée, que je félicitais chaudement pour le piratage du dernier morceau que nous offraient les artistes lors d’un concert au Châtelet. Il répondit que j’étais jalouse car je « ne l’avais pas »… Je me demande toujours s’il parlait du téléphone, de l’enregistrement, ou du bonheur.


Avoir fait la démarche de se déplacer, de payer sa place, de recevoir les ondes en direct, les mots, les sons, le trac et la sueur des interprètes, les vibrations du public à l’unisson, ne sera jamais remplacé par un quelconque support audio ou vidéo.
Avons-nous si peu confiance en nous-même pour ainsi nous en remettre à un système d’exploitation ?

 


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Les grèves répétées des compagnies aériennes sont bonnes pour la santé :

elles font subtilement accélérer le débit sanguin et le rythme cardiaque des usagers, décrassent les pacemakers. Provoquent une transpiration salutaire, propre à éliminer les toxines ingérées à l’estaminet de l’aérogare. Le teint, rosi par la fureur, s’en trouve mieux irrigué, ce qui lui donne une coloration juvénile. Le tout brûlant des calories que l’on ne dépensera pas durant le vol, faute de mouvement possible dans les sièges minuscules.  Une heure de Step ne ferait pas mieux.

Sans compter l’enrichissement intellectuel. Quoi de mieux à offrir au petit personnel, qu’un bouquet d’insultes savamment étoffé, bien plus riche que celui normalement utilisé en voiture ?

Au comptoir d’enregistrement, rendu fou par l’absence persistante de son avion, un homme s’adonnait sans retenue à l’hygiénique exercice. Une des rares hôtesses présentes essayait de lui faire comprendre qu’il n’était pas possible d’enregistrer les bagages, puisque l’on ne saurait où les entreposer. Lui ayant jeté au visage tout son répertoire d’aimables superlatifs, apparemment à court de vocabulaire, il finit par éructer un tonitruant :

« mais enfin, vous ne savez pas qui je suis ??! »

Avec un flegme britannique, un employé monta sur le pèse-bagages pour s’adresser à la foule : « mesdames et messieurs, nous avons besoin de toute votre attention : quelqu’un pourrait-il aider ce monsieur ? Il ne sait plus qui il est. « 


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Ce matin, de sa nuit le vieux chien de Marie ne s’est pas réveillé.

Tellement triste de voir son cher compagnon arrivé au bout de sa route, elle appelle son vétérinaire pour organiser son dernier voyage. Le cher homme la prie de lui amener l’animal afin de prendre les dispositions d’usage. Elle n’a pas de voiture, le toutou pèse bien 25 kilos, il lui suggère donc de le placer dans sa plus grande valise et de sauter dans un taxi. La mort dans l’âme, Marie fait de son mieux pour installer dignement le fidèle compagnon dans sa dernière niche.

Descendant ses trois étages à grand-peine, elle se dit que le métro n’est pas si loin, que l’état de ses finances s’accommodera fort bien de cette solution. La voyant au bord de la syncope dans l’escalier du métro, un galant homme lui propose de l’aider.  Il va dans la même direction qu’elle, se charge à nouveau de la valise, mais se renseigne tout de même sur le contenu, au poids tellement spectaculaire. Prise au dépourvu, une subite inspiration lui fait annoncer… du matériel informatique ! Arrive le métro. Le sauveur passe la porte avec le fardeau, et au moment où les portes se ferment, se précipite dehors, tout heureux de sa bonne affaire.

Médusée, Marie se dit entre rire et larmes que son ami l’aura décidément enchantée jusqu’à la fin de leurs aventures.

Et qu’elle aurait tant aimé être une puce sur le dos de son chien, pour voir la tête du galant homme à l’ouverture de la malle aux trésors…  


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Cet après-midi, je me sentais le cœur enfin léger.
Tu parles…
Pas plus tôt envisagé ce mot vainqueur, j’aperçois un couple enlacé dans l’herbe, me rappelant le bonheur d’être simplement contre lui. Et me voilà suffocant de désespoir.
C’est curieux le chagrin…
 Comme une lame de fond qui vous soulève, un retour de flamme dans un incendie de forêt.
Alors je ne fuis pas son énergie, je la respire à pleins poumons, la sens me traverser. J’attends qu’elle passe.
Jusqu’à la prochaine, qui prendra peut-être son temps pour me rendre visite.